La médiation, un outil de gestion et de prévention des conflits et crises dans le secteur de la santé et de la solidarité

Uriopss Paca et Corse

L’enquête « Conditions de travail et risques psychosociaux » (CT – RPS 2016), menée en 2016 par la Direction de la Recherche, des Etudes et des Statistiques (DARES) a permis d’apprécier l’évolution des conditions de travail depuis 2013. L’enquête démontre qu’en 2016 :

  • 26% des salariés vivent dans des situations de tension dans les rapports avec leur supérieur hiérarchique, 
  • 21 % avec leurs collègues,
  • 30 % estiment avoir subi un comportement hostile au cours des 12 derniers mois,
  • 25% estiment devoir cacher leurs émotions.

Le secteur de la santé et de la solidarité est particulièrement exposé aux conflits. L’actualité est le triste témoin d’une souffrance généralisée.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces tensions. On peut notamment citer un environnement économique contraint (restrictions budgétaires), le vieillissement et la paupérisation des usagers, le fonctionnement en flux tendu des établissements (insuffisance de moyens humains et financiers), la vacance de salariés à des postes clés, l’intensification et la rationalisation du travail, le changement de l’organisation du travail, un manque de reconnaissance, une mauvaise circulation de l’information entre professionnels qui rend le travail en équipe difficile.

En outre, on note également une perte de sens pour les professionnels  confrontés à des injonctions paradoxales et à des conflits de valeurs (par exemple : concilier prise en charge de qualité et rationalisation du temps alloué aux soins).

Dans les établissements où la prise en charge des personnes en situation de vulnérabilité ne peut pas se résumer à des gestes purement techniques, la charge affective y est plus importante que dans n’importe quel autre secteur. A cet égard, Jean René Loubat rappelle qu’il « offre une sensibilité historique (…) au psycho-affectif et à l’implication personnelle ; les climats y sont donc sensibles et les relations parfois complexes et ambiguës ».

Les « symptômes » sont multiples : dégradation de la qualité du climat social, conflits, turn-over, fort taux d’absentéisme, épuisement professionnel, désengagement, stress, agressivité, burn-out, voire suicide. Le secteur occupe même la première place en termes d’affections psychiques, de TMS et d’accident du travail.

Tous les acteurs des établissements sont concernés : Conseil d’administration, direction, médecins, salariés, usagers, familles, bénévoles, représentants du personnel, etc.

Concernant les usagers, d’autres sources de tension peuvent être citées : la communication entre le professionnel («sachant») et l’usager se caractérise par une asymétrie d’information et un système de valeurs et de référence différent.

Avec le développement des outils participatifs au sein des structures, suite à la loi 2002-2 du 2 janvier 2002, l’usager et sa famille sont devenus responsables de leur prise en charge. En outre, les médias et les nouvelles technologies leur ont permis d’être mieux informés qu’auparavant.  "Ainsi, à la confiance se substitue comme une vague de fond, la défiance, l’exigence, la revendication puis la plainte et la procédure".

Face à ces constats, il apparaît essentiel de gérer et prévenir les conflits. En effet, tout conflit peut avoir des conséquences et impacts dans le fonctionnement de la structure et auprès des usagers et de leur entourage. H. Lanouzière, Directeur général de l’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT) rappelle qu’ « il existe un lien indéfectible entre conditions de travail des personnel et qualité des soins ».

Afin de prévenir et gérer ces conflits, la médiation est une solution adaptée au secteur de la santé et de la solidarité.

Ce dispositif est un mode de règlement amiable des conflits qui s’appuie sur la libre participation des parties. Elle peut être judiciaire (c’est-à-dire ordonnée par un juge saisi du litige et avec l’accord des parties) ou conventionnelle (avant tout recours judiciaire).

C’est un processus confidentiel et rapide, au cours duquel un médiateur, tiers compétent, indépendant et impartial, permet aux parties de (re)nouer le dialogue, identifier les difficultés et les besoins qui s’y rattachent. L’objectif est d’accompagner les parties à ce qu’elles trouvent ensemble une ou plusieurs solutions convenables pour chacun. Le médiateur ne donne pas son avis sur les différends qui opposent les parties, il ne propose pas de solution. Elles doivent émerger des médiés. Le médiateur n’est pas soumis à une obligation de résultat.

C’est un processus souple et adapté : les parties à la médiation, tout comme le médiateur, peuvent mettre fin à tout moment à la médiation, sans justification. L ‘appel à un médiateur est particulièrement justifiée lorsque les parties, prises dans un conflit, incapables de communiquer doivent pourtant travailler ensemble.

La médiation est un mode de résolution des conflits efficace : en moyenne, 70% des médiations aboutissent à un accord.

En prévention, les opportunités sont multiples :

  • identifier au sein des organisations les sources de tensions,
  • accompagner les équipes et les managers à désamorcer les situations conflictuelles,
  • restaurer le dialogue et garantir un climat propice à la communication et la coopération, etc.

A cet égard, le Médiateur national, dans un rapport adressé à Mme A. BUZYN en 2017, préconise de « proposer un système de veille pour percevoir les signaux d’alerte de manière à anticiper les conflits, (…) ». Il serait intéressant de mettre en place un tel système, qui interviendrait en amont des conflits, dans les établissements du secteur de la santé et de la solidarité.

 

Pour plus d’informations, contactez Anne QUINTON (a.quinton@uriopss-pacac.fr).

 

Fichier(s) à télécharger 

Note sur la médiation (pdf, 161.81 Ko)